Entretien Ys

L'auteur de cette tétralogie aura 37 ans cette année. Il vit dans le Finistère, dans un petit coin de campagne paisible, seulement dérangé à l'occasion par quelques tracteurs. Il est actuellement Maître de Conférence en géochimie à l'Université de Bretagne Occidentale (Brest).

Pour se décrire, il refuse la facilité qui serait ici de coller de lui un quelconque photomaton ;-)

Il préfère dire que "les deux personnages principaux, Quentin & Bruno, sont comme le reflet déformé et tronçonné de l'auteur dans le miroir mouvant de la lagune d'Ys". Ou encore : "Pour connaître l'auteur, il suffit de lire les livres. Je me suis coupé en deux pour créer mes deux personnages principaux Quentin et Bruno. Je suis 50% de l'un et 50% de l'autre. Au mm près." Des indices ? Quentin est un jeune scientifique sympa, chaleureux, curieux, qui file l'amour parfait avec son amie Nolwenn. Bruno, c'est le flic hargneux, impulsif, vulgaire et poète en même temps, cynique, et qui perd tous ses moyens d'intimidation devant une jolie femme. Que l'auteur me corrige si je me trompe dans cette description, mais ça frôle la schizophrénie ;-)

Pour connaître le côté professionnel de l'auteur, spécialiste des magmas, je vous invite à consulter sa fiche pro sur le site de la fac de Brest.

 

Pour mieux connaître Martial Caroff, celui-ci a bien voulu se plier à l'exercice périlleux de l'interview ;-)

 

TM : Comment définirais-tu ton parcours personnel ?

MC : Je ne sais pas. J’espère simplement ne pas être en bout de course : j’ai encore beaucoup de choses à dire avant d’aller voter dans la république des ombres.

TM : Qu'est-ce qui t'a amené à l'écriture ?

MC : Le goût du livre et celui du songe. Et puis aussi, la bipédie. Je suis bipède et scientifique. Mon équilibre exigeait donc que je pose un pied en littérature.

J'ai dû attendre d’avoir fait (un peu) mes preuves côté sciences avant de m’y risquer, pour ne pas passer pour un simple rigolo. Et puis, après ma thèse, en début de carrière, j’avais de l’ambition, et ça, c’était du plein temps, pas une minute en sus pour écrire de la prose polardière. A présent que j’ai compris que c’était du temps peut-être plein mais un peu vide de sens, j’ai décidé de continuer à faire de la recherche, mais tranquille, sans me prendre la tête, comme Quentin, et sans mettre ma vie en balance à chaque rédaction d’article.

TM : Quels sont les écrivains qui t'ont marqué ?

MC : Platon, Aristophane, Rabelais et Montaigne, le quatuor nécessaire et (presque) suffisant. Mais aussi Saint-Ogan et Charlier. Et Céline ! Le " Voyage... ", que j’ai découvert assez tardivement, est sans doute LE chef-d’oeuvre du XXe siècle (là, je ne fais pas montre d’originalité...). Côté polar, j’admire Paul Halter, le maître universel de l’intrigue, génial, même si son style est assez plat. J’aime certains anglais, mais pas les Ricains (à l’exception de J.T. Rogers, l’auteur de l’un des meilleurs polars que je connaisse).

TM : Pourquoi Ys (question bien large, je l'avoue) ? Et pourquoi développer ton histoire dans une ville virtuelle ?

MC : Parce que Ys, c’est universel. D’ailleurs, le thème de la ville engloutie existe sous une forme ou une autre dans toutes les cultures. En outre, bien que très respectueux du fonds légendaire, j’avais un peu marre de lire partout les mêmes plates adaptations du mythe. Mon ambition était de moderniser tout ça, un peu à la manière des musiciens qui reprennent les thèmes traditionnels dans des compositions originales.

Et puis une ville virtuelle, c’est tout un monde à créer dans les moindres détails et ensuite à trimbaler d’histoire en histoire. Faire oeuvre d’architecte et de démiurge tout à la fois : une vraie jubilation.

TM : Y a-t-il des éléments vécus dans ton récit ? Les retrouve-t-on dans tes personnages, les lieux ou les situations ?

MC : Oui.

Les personnages :

Quentin et Bruno, c’est moi coupé en deux.

La belle Isabelle Waldeck n’était pas dans le plan initial d’Ys en hiver. Je l’ai ajoutée tardivement après avoir fugitivement croisé sa route...

Lola Marcel (printemps, été) est le reflet féminin d’une... connaissance, disons.

La Pourlèche (printemps), c’est Bernard Pouchèle, un auteur Terre de Brume bourré de talent et de personnalité (goûte donc ses " Porcs de l’angoisse ").

Les lieux :

le G.D. de Luxembourg (hiver) est un pays que j’aime beaucoup et où je vais régulièrement (ils ont un pinot gris, là-bas, je te dis pas !).

Tibidi (automne) est la plage de mon enfance.

Lost Marc’h (printemps) est un site géologique très connu de tous les géologues du Massif Armoricain.

Les situations : quelques unes ont été plus ou moins vécues, oui...

TM : Que penses-tu de l'essor du polar breton ? A ce propos, que répondrais-tu aux détracteurs du genre qui parlent d'un effet de mode ?

MC : Ils n’ont pas complètement tort. Le polar estampillé breton, c’est généralement (hélas !) Loft Story au pays du biniou : le vide et encore le vide. Notre belle contrée mérite mieux que de fades héroïnes récurrentes sans sexualité qui baladent leurs twingos (et notre ennui, pauvres lecteurs !) de carte postale en carte postale. Et encore, je ne parle pas des légions de ceux qui n’ont d’auteur que la prétention... Tout ça ne donne pas une image flatteuse du genre (si genre il y a, ce dont je doute).

TM : Pour nos lecteurs, y a-t-il des projets d'écriture sur lesquels tu désirerais lever le voile ?

MC : Je préfère ne pas trop en dire (superstition ?). Je travaille actuellement sur un roman très noir et très personnel ayant pour thème l’approche de la mort. Mais je ne sais pas ce que ça vaut. J’ai aussi dans mes cartons un projet de roman historique sur la Grèce antique (ma grande passion d’autodidacte) où le personnage principal sera une sorte de Krafft en pire.

TM : Où pourra-t-on te voir dans les mois à venir ? Participeras-tu à des salons ou festivals ?

MC : Je ne suis pas trop amateur de ce genre de manifestations. Je serai tout de même à Lorient cet été (" Festival interceltique "), à Lamballe en automne ( " Noir sur la Ville " les 23 et 24 novembre) et cet hiver, près de mon feu et de mon sapin.